Source (fiabilité, pertinence)

En science de l'information la notion de source est une réutilisation métaphorique qui désigne de manière générale l'origine d'un document et de l'information qu'il comporte.

Elle a particulièrement été développée par les travaux qui prennent en compte les dimensions sociale et interprétative de l'information, comprise comme une connaissance communiquée ou communicable. Ainsi selon Jean Meyriat pour évaluer une information il est indispensable d'identifier et de considérer son pôle d'énonciation (c'est à dire sa source) qui est composée de l'émetteur, caractérisé par une capacité à produire un document, ainsi que du contexte d'énonciation. Cette évaluation sera effectuée par le pôle de réception au regard d'une multitude de critères de pertinence, notamment l'adéquation aux thématiques qui l'intéressent et à ses besoins spécifiques.

D'autres auteurs, comme Jean-Michel Salaün (Vu Lu Su, 2012), tout en s'inscrivant dans cette compréhension sociale de l'information, vont considérer que c'est le document qui doit être évalué. Celui-ci étant défini comme un élément dont les trois dimensions sont : une information, une relation sociale mais aussi une forme composée d'une matérialité et des métadonnées. Dans ce même courant, Suzanne Briet (Qu'est-ce que la documentation ? , 1951) défini le document initial comme le produit d'un travail originel de documentation qui rend compte d'un événement. Un même événement peu donner naissance à plusieurs documents initiaux et les travaux de documentation qui se baseront sur ces documents initiaux produiront ce qu'elle appelle des documents dérivés. Cette prise en compte des relations entre documents et de l'imbrication entre les trois dimensions permet de tracer les déplacements et les transformations que va connaître l'information avant d'arriver au pôle récepteur. Cela permettra ensuite de retracer ce chemin pour retourner à la source, ou aux sources, d'un document et ainsi évaluer la qualité de l'information. L'évaluation d'un document initial porte donc sur ses trois composantes, forme, fond et médiation. Alexandre Serres (Dans le labyrinthe, 2012) identifie quatre critères d'évaluation qui s'appliquent à chacune de ces composantes : la crédibilité, l'autorité, la qualité intrinsèque de l'information et la pertinence. En particulier il considère la crédibilité comme fondée sur la confiance (en tant que qualité d'une relation sociale) et la croyance (c'est à dire ce qui peut être tenu pour vrai et permet de guider l'action) mais aussi sur la fiabilité qui est une évaluation fondée sur la reconnaissance de compétences.

Lorsque les connaissances étaient transmises oralement ou par des documents traditionnels et analogiques, les composantes d'un document étaient moins nombreuses donc plus simples à identifier. Cependant, on peut noter que comme la production, la reproduction et la diffusion de document était moins aisée, que la lecture était moins répandu et les déplacements plus restreints, il y avait une distance importante entre le pôle émetteur et le pôle récepteur. Ainsi lorsque le lecteur consultait un document, ou qu'il écoutait la lecture d'un document, il était bien plus dépendant d'un ensemble d'autorités incontournables auxquelles il déléguait une part importante du travail de traçage et d'évaluation de la source de l'information, de la fiabilité de son pôle d'émission, puisqu'il était moins accessible.

Alexandre Serres souligne que l'avènement du numérique et d'Internet a modifié non seulement la nature des documents mais aussi les pratiques sociales et la structure des relations de confiances propres à l'évaluation des sources. Certes ces techniques exacerbent la complexité des techniques documentaire de production et de consultation qu'il faut connaître et (en partie) maîtriser. Mais elles ont aussi tendance à réduire l'incontournabilité des autorités intermédiaires entre les pôles d'émission et de réception et surtout à multiplier les pôles d'émission et le nombre de documents. Cela augmente le travail d'évaluation et de contrôle de la fiabilité des sources et cela reporte sur le pôle de réception finale, l'usager, tout une partie de ces activités.

Les sources sont plus accessible et il est plus facile d'être soi-même une source pour des millions de personnes. Ces nouvelles pratiques documentaires vont de l'enrichissement de projets collaboratifs et ouverts comme Wikimedia Commons avec ses propres photos ou de la cartographie avec Openstreetmap de zones préalablement mal documenté, jusqu'à des événements beaucoup plus dramatiques comme le live tweet des attentats de Boston (Boston Marathon Explosions Kill 2, Mashable, 15 avril 2013) ou le filmage de l'assassinat de Walter Scott par un policier en Caroline du Sud. Non seulement il est plus facile d'accéder à ces sources, mais leurs auteurs sont plus facilement joignables, voir identifiables par leur identité numérique - et ce en dépit du pseudonymat très répandu sur internet.

Cette expansion de la documentation rappelle l'importance de l'évaluation des sources, mais aussi des intermédiaires qui vont les mettre à disposition car comme le rappel Bruno Latour (Les ‘vues’ de l’esprit. Réseaux 5, 79–96 (1987)) :

Les mobiles immuables permettent de mobiliser le monde en créant des allers et des retours ; encore faut-il que les chemins ne soient pas interrompus. La plus petite incertitude dans l'instrument […], le plus petit doute sur la fiabilité de l'inscription […], la plus petite trahison dans la longue chaîne qui va du questionnaire au chiffre, et voilà que celui qui croyait tenir le monde dans ses mains ne tient plus qu'un morceau de papier gribouillé. »

Ainsi il est probable que des crises de confiances surviennent à l'avenir et il possible d'imaginer que ces effondrements auront un impact d'autant plus violent que les relations de confiances auront été utiles. Mais on peut aussi considérer que la multiplication des sources documentaires couvrant un même événement permettra une meilleure corroboration. De plus, on peut imaginer que le mouvement social d'appropriation des sources et de leur critique s'intensifiera et fera donc le tri. Par là même cette conquête sociale continuerait à transformer les institutions en les forçant à mieux “indiquer leurs sources”, ce qui permettra de mieux les contester et de se les approprier. L'Open data en est un exemple mais, comme nous l'avons vu et comme le rappelle bien Evelyn Ruppert (L’open data est-il un leurre politique ?, Rue89, 4 août 2014) il ne suffit pas de fournir des « données », il faut aussi documenter « le processus de fabrication [car il] est aussi important que la donnée en elle-même. ». Enfin, il semble important d'enseigner les connaissances nécessaires à la production documentaire et à son évaluation, sans oublier l'apprentissage à la coopération pour fabriquer, entre citoyens mais aussi en relation avec des professionnels, des biens communs documentaires de qualité.